Que faire de mieux qu’un panier complet de muffins fait maison lorsque son mari arrive en courant à la maison pour vous annoncer qu’une célébrité – pour enfant- se trouve à vivre dans la rue voisine à la vôtre? Emma avait tout de même une certaine gêne, ou plutôt un savoir vivre que visiblement son très chère époux n’avait pas. Anxieux, il était rentré plus tôt pour claquer la porte d’entrée et ainsi courir jusqu’à la cuisine –où elle se trouvait à cet instant- pour lui faire faire une devinette qui ne dura que l’espace qu’une demi seconde. Bien trop excité, il avait craché le morceau, lui avouant qu’ils adoraient lire les livres aux petits, Emma avait deviné d’un coup. Alors bien heureuse d’avoir la chance de pouvoir côtoyer une star pour enfants, la belle rouquine s’était mis au fourneau pour préparer trois douzaine de muffins; une aux bleuets fraichement cueillit dans leur jardin, l’autre aux pépites de chocolats fondants et une dernière aux fraises, les préférés de Garrett. Une fois la cuisine totalement nettoyée et toutes les pâtisseries refroidies juste à point, la douce mère de famille sorti un panier d’osier et y sera une demie douzaine de chaque saveurs, laissant les autres muffins airer sur le comptoir de la salle à manger – certaine qu’à son retour seul quelques miettes y seraient encore-.

La décoratrice d’intérieur marcha d’un pas ferme et décidé jusqu’à la superbe demeure que son mari lui avait décrit, maison qu’ils connaissaient maintenant –depuis le temps qu’ils vivaient de le quartier- et sonna à la porte. Toute énervée de rencontrer une magnifique auteure, Emma replaça le collet de son chandail puis expira à fond avant d’afficher un sourire magnifique à son visage, prête à la rencontrer, enfin.

J'avais décidé de fêter mon arrivée en ville avec une bonne bouteille de vin. Malheureusement, j'avais été seule à la boire. Sophie, ma fille, s'était régalée du cidre de pomme non-alcoolisé et nous avions ris ensemble un bon moment en mangeant, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle était fâchée contre moi. Elle avait donc terminé la soirée dans sa chambre, à écouter la télévision, j'imagine, ou à discuter sur internet avec ses amis de Vancouver. Je ne l'avais pas dérangée, je m'étais plutôt assise dans le salon avec ma bouteille et mon verre de vin et avait écouté la télé jusqu'à tard. Et sans m'en rendre compte, j'étais passée au travers de la bouteille. N'ayant pas eu le courage de monter me coucher dans ma chambre, j'avais dormi sur le canapé et m'était réveillée avec un mal de tête et une couverture sur moi. Je ne me souvenais pas d'être allée chercher quelque chose pour me recouvrir, c'est à ce moment que je vu le mot de Sophie. Elle s'était levée tôt pour aller s'acheter des vêtements, elle avait pris quelques billets de 20$ dans mon portefeuille. Je me relevai tranquillement, mon mal de tête s'amplifiant avec les secondes. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, mais j'étais certaine d'une chose: je n'étais pas dans ma meilleure forme. Je portais encore mes vêtements de la veille et j'avais chaud. Me dirigeant vers la cuisine, j'attachai mes cheveux avec le premier élastique que je trouvai et ne prit même pas la peine de me regarder dans un miroir. L'heure sur le fourneau me frappa alors. Il était déjà 14h50. Avais-je dormi si longtemps ??? Je n'avais pas fait cela depuis des lustres ! Je me fis un verre d'eau, que je calai rapidement et fermai les yeux. Ma tête se mit à tourner et je les ouvris à nouveau. Ce n'était pas une bonne idée. La sonnette retentit alors dans toute la maison et je me bouchai les oreilles. « Eh merde... » murmurais-je à moi-même, pas trop fort parce qu'ici, les murs avaient des oreilles. J'essayai de me donner un air présentable, mais c'était affreusement difficile à faire. J'ouvris la porte et me mit un sourire sur le visage, mais le soleil aveuglant de l'extérieur transforma le tout en grimace. « Bonjour ! » dis-je à la femme devant moi, qui semblait sans défaut, parfaite au cheveux près. Difficile de lui faire compétition, surtout en cet après-midi, moi qui n’avais l'air de rien, en fait. J'essayai de réajuster discrètement ma blouse de la veille, mais cela n'améliorait pas mon état.

Alors qu’elle terminait de replacer son collet de chemise, la porte s’ouvrit donnant sur une jeune femme ravissante, mais loin d’être sous son meilleur jour. Quelque peu décontenancée par l’allure de cette dernière, le sourire de la belle décoratrice se transforma en moue de stupéfaction. Ses lèvres entrouvertes et ses yeux grands ouverts, elle se dit que tout le monde avait droit à un moment de faiblesse, l’auteure en particulier. Bonjour Dit-elle d’un élan de compassion pour ensuite avancer d’à peine un centimètre, cachant le rayon de soleil qui tombait directement dans le champ de vision de la jeune femme visiblement amochée. Je suis Emma Nolans, mon mari Garrett vous a vendu cette splendide demeure! Difficile de ne pas savoir de qui elle parlait, son mari était l’unique agent immobilier de la région, du moins du quartier étant donné son merveilleux savoir-faire et ses nombreuses qualités de vendeurs. Évidemment elle n'avait pas à être présente à ce moment précis, Emma le savait très bien, mais ça avait été plus fort qu’elle de se présenter. Je vous déranges peut-être? Fini par questionner la rouquine, affichant son parfait petit sourire de ménagère américaine…simplement elle n’avait pas envie de s’arrêter là, pas aussi près du but! Je promets de ne pas vous déranger plus longtemps, simplement en tant que voisine, je me devais de vous souhaiter la bienvenue! Expliqua d’une gestuelle peu présente la mère de famille, tendant par la suite son panier rempli de muffins. Il y en a aux bleuets, aux pépites de chocolats et aux fraises, tous fait maison et parfait pour le petit-déjeuner! Répliqua fièrement Nolans tout en affichant ce continuel sourire d’antan.

Je ne pus m'empêcher de remercier mentalement la jeune femme devant moi de me cacher du rayon de soleil. J'avais l'impression que c'était un laser qui me traversait les yeux jusqu'au cerveau ! Heureusement, elle avait réussi à me le faire éviter et je la remerciais du fond du coeur. La femme se présenta rapidement comme était Emma, l'épouse de Garrett, l'agent immobilier. Il me fallut quelques secondes de réflexion pour remettre en place Garrett. C'était tout à fait charmant que la femme passe me souhaiter la bienvenue ! Par contre, je me souvins que j'avais toujours sa carte quelque part, mais n'avait jamais pris la peine de l'appeler. Je n'avais pas considéré avoir besoin d'une décoratrice pour faire de ma maison un endroit digne des magazines. C'était plutôt mon chez-moi bordélique, je ne savais pas du tout comment réagirait la femme. Elle me demanda si elle me dérangeait et je m'empressai de répondre par la négative en hochant la tête. Alors qu'elle continuait de parler, elle me tendit alors le panier avec ce qui semblait être des muffins à l'intérieur. Wow, les gens ici étaient vraiment adorables ! « Vous n'auriez pas dû, voyons ! » Malgré mes airs de je-ne-peux-pas-accepter-ce-cadeau, l'odeur délicieuse des muffins m'était montée au nez et je salivais d'avance. Je pris donc gentiment le panier qu'elle me tendait, réussissant à me coller un véritable sourire sur les lèvres et non une grimace. Même si ma journée avait mal commencé avec cette gueule de bois, j'étais heureuse qu'Emma soit passée. Certes, elle ne me voyait pas sous mon meilleur jour, mais j'étais heureuse qu'elle se soucie assez de moi pour me confectionner un petit quelque chose. « C'est vraiment très gentil de votre part ! Mais ne restez pas dehors, entrez-donc. » J'ouvris la porte un peu plus grand pour laisser la femme entrer à l'intérieur. Il y avait encore quelques cartons qui traînaient, mais dans l'ensemble, tout était rangé. Le seul endroit qui était réellement en désordre était le canapé du salon, où j'avais dormi. Il y avait encore ma couverture et mon empreinte sur les coussins. Peut-être que la décoratrice ne remarquerait pas ? J'en doutais. Je me tournai alors vers la femme, lui demanda: « Voudriez-vous un peu de café ? Je vais m'en préparer. » C'était une très bonne idée, je prendrais deux advils par la même occasion, pour faire passer le mal de tête...

Un sourire instinctif décora les lèvres de la mère de famille lorsque la jeune femme attrapa le panier de muffins, lui faisant la remarque qu’elle n’aurait pas dû se donner tant de mal. C’était innée chez Emma d’être aussi polie, elle n’arrivait jamais les mains vides, encore moins lorsqu’elle ne connaissait pas encore la personne en question, davantage lorsqu’elle l’affectionnait, comme c’était le cas en ce moment précis. Cela me fait plaisir, prenez les et régalez-vous, je suis certaine que vous allez apprécier! Répliqua donc gentiment la rouquine, sachant très bien que ses pâtisseries étaient les meilleures en ville – après tout elle se donnait tant de mal pour être douée que maintenant les gens savaient dès lors que ce qu’elle préparait allait être un vrai régal!-. « C'est vraiment très gentil de votre part ! Mais ne restez pas dehors, entrez-donc. » La rouquine ne se fit pas prier deux fois, d’un pas déterminé, elle passa le capte de la porte, entrant dans la petite maison chaleureuse –et bordélique selon la ménagère qu’était Emma-. J’aime bien ce que vous avez fait de cette maison! Dit-elle franchement, ne portant pas attention aux quelques boites qui se devaient d’être déballés dans les prochains jours. C’était tout de même bien et puis à en voir l’apparence première, Nolans pu déterminer qu’un enfant vivait dans les parages, probablement une adolescente ou une jeune adulte…du moins à en voir le portable rose qui trainait sur le coin de la table. Vous avez des enfants? Questionna alors la rousse, voulant à tout prix savoir si son pif était toujours aussi bon, alors que la jeune femme lui proposait un peu de café. Avec plaisir! Répliqua finalement la décoratrice d’intérieur, ramenant ses deux mains vers son ventre, détestant avoir les mains baladeuses.

Je fermai la porte derrière la femme et lui sourit alors qu'elle me complimentait sur ce que j'avais fait de la maison. Ce n'était réellement pas digne d'un magazine, mais c'était le genre d'endroit que j'aimais, un peu bordélique, mais représentatif de la personne que j'étais. « Merci. » répondis-je à la femme, alors que je me dirigeais vers la pièce du fond, où était la cuisine, pour déposer le charmant panier remplis de muffins qu'elle m'avait fait, et partir un pot de café par la même occasion. « Vous avez des enfants? » me demanda Emma et je me tournai vers elle, un sourire sur les lèvres. « Une fille de 16 ans. » Sachant que je n'avais que 32 ans, je lui précisai: « Adoptive. » Certes, j'aurais pu avoir une fille de 16 ans, mais je ne faisais pas partie de celles qui tombaient enceinte durant le lycée.
Je pris deux petits pots de café dans l'armoire au-dessus de ma cafetière high-tech et sortit deux tasses en même temps. Je déposai la première sous la cafetière et mit le petit pot dans le haut puis appuyai sur le bouton. En moins d'une minute, un premier café bien chaud était prêt. Je tendis la tasse à Emma puis m'en fit une deuxième. Elle fut prête aussi rapidement que la première et je la portai à mes lèvres, aspirant l'odeur de la caféine. Je pris une gorgée, malgré le fait qu'il était bouillant. « Mmhm... » échappais-je. Je sentais déjà mon mal de tête se dissiper grâce au pouvoir du café. C'était magique, l'effet que cette boisson pouvait avoir sur les humains.

La réponse fut des plus positives, elle avait bien un enfant, plutôt une adolescente comme l’aurait pensée Emma en voyant les quelques items bien représentatifs des adolescents de cette génération. Lorsque l’âge fut divulguée, la rouquine ne put s’empêcher de calculer mentalement, cette mère ne semblait pas au de-là de la trentaine…aurait-elle eu un enfant durant le lycée? Elle n’eut pas même le temps de se forger une idée que la brunette compléta l’énigme : L’adoption. Intriguée, Nolans ajouta un simple : C’est tout à votre honneur, vraiment! Ce qu’elle pensait sincèrement, jamais elle n’aurait été en mesure d’élever l’enfant d’un autre… de toute manière elle en avait déjà bien assez avec les siens. Évidemment elle remerciait les autres parents de faire cet effort, sachant très bien le nombre phénoménal d’enfants sans parents à travers le monde.

La rouquine souriait bêtement, regardant la seconde mère insérer la capsule de café dans la petite machine High-tech, Emma aimait beaucoup ces petites merveilles, elle s’en était procurée une spécialement conçue pour préparer des cappuccinos et des expressos et ne pouvait désormais plus s’en passer. Merci. Dit-elle tout en prenant la tasse que lui tendait sa nouvelle voisine, qui se prépara une seconde tasse. Vous savez, je suis une fan inconditionnelle de vous! C’était risqué de lancer ça à tout va, mais Emma Sloane tenait à lui le dire, au diable l’impact!

Avec une tasse de café dans le corps, la journée n'allait peut-être pas être si difficile que cela. Quoi qu'elle fût presque terminée, si l'on se fiait à l'heure sur le four. Je continuai à siroter mon café, écoutant la rousse devant moi. «C’est tout à votre honneur, vraiment!» Je savais que l'adoption n'était pas un sujet facile pour tout le monde, mais je me plaisais bien à les désorienter. Un peu d'ouverture d'esprit envers ma fille et moi n'avait jamais fait de mal. Je l'aimais comme si elle était la chair de ma chair. Mais au final, cela n'avait aucune importance, qu'elle ait le même ADN que moi. C'était l'amour que je lui donnais, qui faisait d'elle ma fille.
J'étais perdue dans mes pensées lorsque la femme devant moi m'avoua connaître mon travail. «Vous savez, je suis une fan inconditionnelle de vous!» Je m'imaginais facilement Garrett avoir avoué à sa charmante femme que la nouvelle habitante du 2109 était la célèbre auteure de livre pour enfant et cela me fit rire. «Vous m'en voyez ravie !» lui dis-je, un sourire aux lèvres. «Votre mari m'a confié qu'il adorait lire mes livres à vos enfants. J'imagine qu'il n'était pas le seul.» C'était toujours une joie immense lorsque des parents m'avouaient lire mes livres à leurs enfants. C'était en fait le but que je recherchais, de créer une proximité avec les enfants. Il y avait trop de nannys à notre époque, trop de gadgets électroniques et pas assez de temps passé avec ses enfants. Les parents pouvaient utiliser n'importe quelle excuse qu'ils trouvaient légitime, mais moi je les encourageais à passer juste un peu de temps avec leurs enfants, couché avec eux dans leur lit, à les faire entrer dans un monde merveilleux. «Quel âge ont vos enfants, au juste ? Si ce n'est pas trop indiscret... » Monsieur Nolans ne m'avait pas fait part de cela et j'étais curieuse. Je ne savais même pas exactement le nombre d'enfants qu'avait ce couple, mais j'estimais rapidement à trois ou plus.

Heureusement pour la rouquine, l’auteure n’en fit pas tout un plat…en fait ce n’est pas des plus diplomate de se présenter chez quelqu’un de connue – que ce soit chez les enfants ou les adultes – et de lui balancer qu’on l’affectionnait alors qu’elle ne vous connaissait pas même. En fait avoir été une célébrité, Emma n’aurait peut-être pas aussi bien réagie, cette Elsie était quelqu’un de bien, de très diplomate et chaleureuse en fait. La rousse sourit tendrement, portant sa tasse de café à ses lèvres alors que l’auteure lui avouait avoir entendu parlé par son mari qu’il aimait bien lire ses livres aux enfants, à quoi Emma ne put s’empêcher de poursuivre : Pas du tout, après tout nous avons eu trois enfants et des petits enfants, allez donc imaginez le nombre de fois où nous avons sorties ensemble ou à tour de rôle vos livres! Ce qui était la pure vérité. Nolans adorait rendre service et surtout encourager les gens de la région, elle achetait donc ce qui lui plaisait, que ce soit dans le domaine littéraire ou cinématographique, lorsqu’elle aimait un auteur, elle achetait sans compter. Vint ensuite le fameux sujet des enfants, ce qui était franchement compréhensible étant en présence d’une adepte des frimousses. Pas du tout, ils sont rendus grands maintenant, Oliver le plus vieux a 27 ans, Alyson vient tout juste d’avoir 20 ans et Lizzie, notre petite dernière a 16 ans. Dit-elle fièrement, tout en prenant une seconde gorgée de son café tiède. J’imagine que votre fille doit être dans ces eaux-là? Questionna la mère de famille une fois sa gorgée de liquide réconfortant avalée.

Je n'avais pas été trop certaine de ce que donnerait cette rencontre, mais je devais m'avouer plutôt surprise. À première vue, Emma avait l'air de la parfaite mégère qui adorait tout avoir sous contrôle. Je ne savais pas ce à quoi elle ressemblait chez elle, mais dans ma cuisine elle semblait plutôt détendue. Peut-être était-ce le fait qu'elle n'était pas en compétition avec personne, étant amochée par l'alcool de la vieille. Alors que je pris une autre gorgée de café, je me demandai si mes vêtements sentaient mauvais... J'avais tout de même dormi dedans. J'espérais que cela ne paraisse pas trop... « Pas du tout, ils sont rendus grands maintenant, Oliver le plus vieux a 27 ans, Alyson vient tout juste d’avoir 20 ans et Lizzie, notre petite dernière a 16 ans. » Garrett m'avait mentionné avoir des petits enfants, Emma venait de le refaire, j'estimais alors qu'ils devaient être les enfants d'Oliver, leur plus vieux. En regardant la rousse devant moi, je ne trouvais pas qu'elle ressemblait le moins du monde à une grand-mère. J'avais mon idée de la femme aux cheveux gris qui s'occupe d'un bambin en le gavant de nourriture. Par contre, je devais avouer que sur la nourriture, elle devait être excellente. L'odeur de ses muffins me montait au nez. « J’imagine que votre fille doit être dans ces eaux-là? » Je souris à la rousse, ayant eu la même idée qu'elle. « Sophie a 16 ans. Peut-être que Lizzie et elle pourraient bien s'entendre ? » Ce n'était qu'une supposition, je ne connaissais rien de la plus jeune fille d'Emma, mais c'était bien de savoir que dans le quartier, il y avait au moins une autre jeune fille du même âge que Sophie. Lorsque ma fille intégrerait le lycée de Fairview, elle pourrait avoir au moins une connaissance. « Peut-être qu'un jour nous pourrions arranger quelque chose pour qu'elles se rencontrent ? » Même si je savais pertinemment que je ne devais pas jouer dans la vie de ma fille, je me plaisais bien à monter des plans avec Emma pour obliger les deux filles à faire connaissance, tout en masquant le fait que les deux mères étaient derrières cela. Mais ses plans étaient encore dans ma tête, j'avais tendance à divaguer toute seule. Ou peut-être était-ce les vapeurs d'alcool que mes vêtements dégageaient qui me montaient au nez ? Difficile à dire...

À nouveau Emma avait vu juste; la petite de l’auteure était de l’âge exact que sa propre fille, peut-être que cela lui permettrait de lui faire une nouvelle copine? Car oui, Emma était totalement le genre de mère à immiscer dans la vie de ses enfants, surtout celle de Lizzie en fait, qui était une vraie peau de vache depuis un moment – côtoyer d’autres fréquentions ne pourrait que lui faire du bien après tout -. La rouquine sourit tendrement, elle s’imaginait déjà les deux jeunes femmes revenant après le lycée, toutes les deux un sourire au visage…mais elle quitta instantanément ses pensées, elle avait beau rêver, Liz aurait bien évidemment son mot à dire, surtout s’il s’agissait d’une idée de sa très chère mère – qui selon elle, se fourrait le nez partout où ça ne la regardait pas -.

« Peut-être qu'un jour nous pourrions arranger quelque chose pour qu'elles se rencontrent ? » Cette réplique eut un effet appaisant sur la rousse qui se disait justement de ne pas en ajouter, de laisser aller les choses comme elle viendrait, franchement ça ne pouvait guère mieux tomber. Complètement touchée par cette pensée, Emma déposa sa tasse sur le comptoir puis ressembla ses deux mains ensemble, souriant toujours aussi tendrement. Rien ne me ferait plus plaisir, Lizzie est une jeune fille intelligente et fréquenter d’autres jeunes de son âge ne pourrait que contribuer à son bonheur! Dit-elle en repensant à toutes les bêtises qu’elle avait pu faire depuis le départ de son frère Oli…car certes, Liz n’était pas une enfant de cœur, surtout depuis quelques mois…tout semblait se dégrader. Sans parler qu’il serait bénéfique pour votre fille d’avoir quelqu’un pour son arrivée à Fairview. La rouquine reprit sa tasse tiède et la porta à ses lèvres sans toutefois prendre une gorgée.

Était-ce un peu trop, de planifier ainsi une rencontre entre nos deux filles ? Peut-être, mais j'avais bien l'intention d'essayer. Qu'avais-je à perdre, de toute façon ? Il y avait bien un moyen de faire cela subtilement et il en résulterait ce qu'il en résulterait ! Peut-être deviendraient-elles meilleures amies grâce à Emma et moi. Il fallait essayer pour le savoir. « Rien ne me ferait plus plaisir, Lizzie est une jeune fille intelligente et fréquenter d’autres jeunes de son âge ne pourrait que contribuer à son bonheur! » C'était les mêmes motifs qui me donnaient envie de faire cette rencontre. À Vancouver, Sophie s'était fait de nombreux amis plus vieux qu'elle et cela n'avait pas été sa meilleure décision. Ici, j'avais espéré que cela ne se reproduise pas, et pour éviter cela, quoi de mieux que de mettre les deux filles dans la même pièce. J'étais persuadée qu'elles s'entendraient bien. Et puis, cela me permettrait d'en apprendre un peu plus sur Emma, j'étais certaine qu'elle pouvait me raconter de nombreuses histoires sur sa vie et celle de ce quartier. « Sans parler qu’il serait bénéfique pour votre fille d’avoir quelqu’un pour son arrivée à Fairview. » J'hochais la tête, tout à fait d'accord. Je pris une dernière gorgée de café avant de redéposer ma tasse sur le comptoir. « C'est exactement ce que je me disais. Ce n'est pas toujours facile de s'intégrer dans un nouveau milieu. Si elle peut avoir quelqu'un pour l'aider, c'est encore mieux. » Je fis une sourire à la rousse devant moi, mon mal de tête disparaissant tranquillement. Ce café m'avait fait un bien fou, mais ma discussion avec Emma aidait. Elle amenait mon esprit ailleurs que sur mon mal de tête. La prochaine bouteille de vin que j'allais boire, j'allais la prendre avec quelqu'un. Ainsi, je n'allais pas être la seule à avoir l'air stupide. J'essayais rapidement d'imaginer Emma avec quelques verres dans le corps, mais c'était assez difficile. Elle semblait être la femme de banlieue parfaite, bien habillée, ses cheveux en place, à apporter des muffins aux nouveaux arrivant et à s'occuper de charités. Mais je savais que derrière cette façade, elle était bien plus que cela. « Mais pendant que vous êtes ici, vous pourriez me mettre au courant des derniers potins du quartier ? Histoire que je ne me mette pas les pieds dans les plats... » dis-je à la femme, d'un air espiègle. Sans être une mégère de pur-sang qui ne peut survivre sans son lot de potin, je savais qu'il se tramait certainement sous ses airs de ville parfaite quelques évènements qui valaient certainement la peine d'être relatés.

Emma opina aux dires de sa nouvelle connaissance, les deux filles allaient très probablement s’entendre et il valait le coup de tenter l’expérience. Être une nouvelle venue dans un nouveau quartier n’était pas de tout repos et ça, Emma pouvait le comprendre, de là l’idée de faire connaitre les deux jeunes filles…de toute manière elles finiraient bien par se croiser en cours ou bien au beau milieu de la rue, pourquoi ne pas simplement accélérer le processus? La rouquine usa d’un sourire niais, comme si elle venait d’élaborer un plan complètement diabolique alors que son interlocutrice l’appuyait apparemment à cent pour cent. Il y avait évidemment de fortes chances que la jeune Lizzie ne prenne pas le fait de se faire pousser par sa mère, mais Emma Nolans s’en fichait quelque peu; sa fille côtoyait les mauvaises personnes et franchement, elle voulait régler cette histoire au plus vite. « Mais pendant que vous êtes ici, vous pourriez me mettre au courant des derniers potins du quartier ? Histoire que je ne me mette pas les pieds dans les plats... » Visiblement les deux femmes allaient bien s’entendre. Premièrement elles avaient les mêmes envies à l’égard de leur adolescentes et ensuite, elles semblaient toutes les deux bien apprécier les potins de voisinage. Évidemment il n’était pas dans les habitudes de la rousse de crier à qui veut l’entendre tout ce qui se passait sous son nez, mais elle aimait bien, par moment, parler de ce qu’elle avait cru voir ou entendre. Pour commencer, la maison des Vainces vient d’être rachetée par une famille qui souhaite transformer la maison en salon funérailles ! Dit-elle, loin d’être convaincue que cette idée soit la meilleure pour le quartier…mais bon, Emma savait pertinemment qu’il fallait en voir de toutes les couleurs pour se construire un monde…

Je ne savais pas du tout si c'était une bonne idée de parler potins avec Emma, mais une fois ma question posée, la femme sembla s'illuminer, impatiente de me raconter ce qui se tramait dans la ville ces derniers temps. J'avais déjà rencontré plusieurs personnes à Fairview, mais de toutes celles-ci, Emma remplissait toutes les conditions pour être au courant des nouvelles dans la ville. Son mari était l'agent immobilier, elle était la première à savoir qui s'installait en ville - elle l'avait bien su pour moi. « Pour commencer, la maison des Vainces vient d’être rachetée par une famille qui souhaite transformer la maison en salon funéraire ! » Sans connaître les Vainces, je fus tout de même abasourdie. « Un salon funéraire ? Vraiment ? » Ce n'était pas du tout ce à quoi on s'attendait dans cette petite bourgade. En fait, aux gens que j'avais rencontrés jusqu'à maintenant, il n'y avait pas une très forte clientèle pour un salon funéraire. La population de la ville était assez jeune, pas de quoi faire de très gros chiffre d'affaires. « C'est étrange. Espérons qu'il ne soit pas trop utilisé ! » L'idée de la mort aussi près d'eux devait effrayer la plupart des gens de cette ville. Assister à des funérailles était une chose, savoir que l'on embaumait des corps dans la maison voisine en était une autre. Une autre nouvelle me vint alors en tête, peut-être qu'Emma avait des informations pour moi. « J'ai vu qu'un nouveau s'était installé sur Gardenia Street. Je l'ai rencontré, mais très brièvement... Vous savez d'où il vient ? » Je parlais bien entendu de Joseph Morrison, cet homme dont on ne savait pas grand-chose, en ville. Du moins, je n'en savais pas grand-chose, Emma était peut-être plus informée que moi.

Emma termina enfin sa tasse de café qui commençait à tirer vers le froid. La rouquine se trouvait bien heureuse d’apprendre que sa nouvelle voisine –et auteur fétiche pour enfants- aimait tout autant qu’elle les potins du voisinage. La mère de famille sourit, fronçant par la même occasion un sourcil. Les Vainces devaient se mordre les doigts d’avoir vendu aussi tôt…disons que seul l’argent les avaient poussé à accepter l’offre, ce qu’Emma pouvait bien comprendre, seulement incertaine, elle aurait demandé davantage d’explication au preneur… Oui, un repère de cadavres à deux pas de notre joli quartier… je ne doute pas un instant que cela puisse contribuer à la hausse de valeur à la revente… Dit-elle, parlant davantage pour son mari qui devrait faire moins de bénéfices. Elle hocha ensuite la tête aux dires de sa nouvelle amie, leur souhaiter moins de clients possible n’était pas respectable, seulement ce devait être le cas pour conserver une petite banlieue comme Azalea Valley intacte. « J'ai vu qu'un nouveau s'était installé sur Gardenia Street. Je l'ai rencontré, mais très brièvement... Vous savez d'où il vient ? » Elle fronça de nouveau les sourcils, elle tentait de se rappeler celui dont elle parlait et surtout s’il avait quelque chose de particulier à dire à son sujet. Tout ce que je sais c’est qu’il est très mystérieux…il me semble avoir entendu dire par Garrett qu’il était de Miami, mais je n’en suis pas certaine en fait. Elle réfléchit un instant. Il était vrai qu’elle ne l’avait pas rencontré, il semblait vouloir se cacher.

Je ne pus m'empêcher de rire à la remarque d'Emma. J'étais certaine, comme elle, que cela affecterait le travail de son mari, mais celui-ci avait certainement réussi à passer par-dessus pire, non ? Il s'en sortirait, Garrett était excellent dans son travail, très professionnel. Je demandai alors à la femme devant moi si elle avait entendu parler du nouveau voisin et elle réussit à me donner quelques informations sur lui. Il serait de Miami. Qu'est-ce qui avait bien pu l'amener ici ? Je n'en avais pas la moindre idée et je doutais qu'Emma le saches, si celle-ci ne l'avait pas encore rencontré. Mais j'étais certaine que nous le saurions tôt ou tard.
Je ne savais pas si Emma avait d'autres nouvelles pour moi, mais je n'avais pas entendu grand-chose d'autre en ville. J'étais ici depuis très peu de temps, en fait, je ne pouvais pas tout remarquer non plus. Elle avait certainement l'œil plus aiguisé que moi !
« Vous voulez un autre café ? » demandais-je à la rouquine devant moi, qui avait presque terminé le sien. Il faudrait vraiment que je me change avant que Sophie rentre. Je ne savais pas à quelle heure elle reviendrait exactement, mais si elle me trouvait dans les mêmes vêtements que la veille, elle se payerait ma tête pendant plusieurs jours, j'en étais certaine. Mais cela attendrait, puisque j'avais une invitée. L'odeur de ses muffins me montait toujours au nez, encore aussi délicieuse. Je sentis alors mon ventre gargouiller, signe que je commençais à avoir faim. Il n'était toutefois que le début de l'après-midi, pas encore le temps d'aller manger. Je n'avais rien de préparé, il faudrait que je cuisine quelque chose. À moins que je décide d'aller au restaurant. Je ne savais même pas si j'avais envie de manger au resto, en fait... Je pouvais toujours commander, c'était certainement plus simple.
Je me reconcentrai sur Emma devant moi et il me vint une idée. « Dites, vous faites quelque chose ce soir ? Je pensais aller au resto ce soir, si cela vous dit, joignez-vous à moi ! Garrett est le bienvenue aussi. »

Emma se mordilla la lèvre inférieure, quelque peu déçue de ne pouvoir guère alimenter davantage l’histoire du nouveau voisin mystérieux, mais elle continuait de se dire qu’un jour ou l’autre son secret referait surface puisque c’était toujours le cas en temps normal pour tout le monde. La rouquine baissa les yeux sur la tasse qu’elle reprit entre ses deux mains fermes. Elle avait terminé, du moins il lui restait une petite gorgée probablement glacée à l’heure où il était. Ça va aller pour moi, merci Dit-elle tout en souriant. Emma savait pertinemment qu’un café était la dose à prendre et elle en avait déjà avalé deux depuis son réveil, ce qu’elle n’appréciait pas tellement, sachant très bien les addictions que le café pouvait créer, sans parler des soucis de santé graves… Enfin, elle avala avec peine la dernière gorgée de son liquide brunâtre et reposa la tasse sur le comptoir, se disant qu’il était peut-être temps maintenant de retourner vaquer à ses occupations si elle ne voulait pas avoir à tout repousser au lendemain.

Puis, au même moment où elle s’apprêtait à lui souhaiter une belle journée et à prendre congé, la brunette lui demanda si un souper au restaurant en leur compagnie pourrait faire son bonheur. La rouquine sourit largement, pensant à la dernière fois où elle avait été mangée dans un restaurant en compagnie d’autre gens que sa petite famille et opina. Il me ferait plaisir de me joindre à vous et je suis persuadée que Garrett sera du même avis! Elle en était plus que persuadée, lui qui adorait sortir au restaurant à la moindre occasion.

La faim commençait à me tenailler. Je n'avais pas mangé de la journée, ayant dormi jusqu'à tard en après-midi. Je sentais que je pourrais dévorer un bœuf. C'était une bonne idée que j'avais eu d'aller au restaurant, je n'avais aucune envie de cuisiner. Je pourrais peut-être laisser un peu d'argent à Sophie pour qu'elle s'achète quelque chose, elle aussi. J'étais certaine qu'elle ne serait pas contre, elle adorait manger au fast-food ou se commander de la pizza. La malbouffe faisait son bonheur. Certes, j'essayais de contrôler cela, mais ce n'était pas toujours évident.
J'invitai donc Emma à se joindre à moi, accompagnée de son mari. Elle sembla enthousiaste à l'idée, ce qui me fit plaisir. Je fis donc un grand sourire à la femme, puis regardai l'horloge au mur. Il était déjà 16h30. « Si vous voulez, nous pouvons nous rejoindre chez Naomi dans deux heures ? Si finalement vous avez un empêchement, donnez-moi un coup de fil ! » Je pris un bout de papier qui traînait et écrit mon numéro de portable, le donnant à Emma. « À moins que vous préféreriez aller ailleurs ? C'est comme vous voulez ! » Je ne savais pas quel genre d'endroit aimait la femme, mais je me disais que Chez Naomi ferait certainement l'affaire, c'était un endroit assez huppé, qui plaisait certainement à Emma.
J'allais toutefois devoir prendre une bonne douche avant de m'y rendre, mais surtout me changer. J'en avais marre de ses vêtements que je portais depuis plus de 24 heures maintenant, je m'y sentais inconfortable.